Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 19:21

imagesCACZFTTG     

 

 

 

Un jour de mois d'août, ma mère s'était décidée à repeindre la salle de bain en bleu ciel. Malheureusement, il vint à lui manquer de la peinture. Elle nous envoya, ma sœur et moi, chercher un autre pot au magasin. Lisa, mon aînée de deux ans était vêtue d'une petite robe de coton blanc . Le soleil et le vent jouaient avec ses cheveux blonds. Elle était frêle et la pâleur de sa peau lui donnait un air si fragile. Je l'admirais et l'enviais en même temps. Nous étions complètement différentes l'une de l'autre, aucun air de famille : ce qui me rendait perplexe. Moi, plutôt brune,grande et musclée laissait à penser que c'était moi l'aînée.

 

Le magasin était assez loin vu que nous habitions à l'extérieur du village, dans un quartier résidentiel. Les rues étaient désertes, les gens préférant rester au frais, chez eux.

 

Sur le chemin du retour, je proposai à ma sœur de passer par les remparts. Il est vrai que ce chemin était ombragé et surtout, aucun véhicule ne pouvait y circuler. Elle refusa et accéléra le pas. Arrivées au carrefour, entre l'église et la petite station d'essence, je lui proposai à nouveau de prendre le chemin de gauche. Mon intuition m'ordonnait de prendre cette direction, mais ma sœur ne voulait rien entendre. A cours d'arguments, je lui obéis.

 

Le garagiste était dans son jardin et nous le saluâmes en passant devant chez lui : mon père, ancien militaire, nous obligeait à être polies avec les gens du village,même avec ceux qu'on n'aimait pas. Rapatriés en France à la fin de la guerre d'Algérie, il travaillait désormais dans la sidérurgie et essayait tant bien que mal, d'oublier cet épisode tragique de son passé. Il était encore au lit car il récupérait de sa dernière nuit de travail.

 

Arrivées à la maison, nous marchions à pas de velours et chuchotions. Nous avions l'habitude de vivre au ralenti jusqu'au réveil de notre père. Gare à notre matricule si nous le réveillions !

 

Deux heures plus tard, quelqu'un tambourina violemment à notre porte. Notre mère affolée accourut et se trouva face au garagiste. Mon père, réveillé en sursaut, arriva aussi et s'enquit de tout ce raffut :

 

« Vos filles sont entrées chez moi et ont pris 50 francs dans ma caisse, pendant que j'étais dans le jardin ! hurlait-il en pointant son doigt accusateur vers mon père. Je les ai vues passer, elles m'ont même dit bonjour. Personne d'autre n'est passé entre-temps et quand je suis rentré pour servir un client, j'ai encaissé et le seul billet de 50 avait disparu ! Ça ne peut être personne d'autre que vos filles et si vous ne me les rendez pas, je vais à la gendarmerie, menaça-t-il ! »

 

Mon père faisait un effort insurmontable pour contrôler sa gêne, sa honte et sa colère. Il sortit un billet de 50 francs de son portefeuille et le lui tendit en se confondant en excuses.

 

Il ne voulait pas faire d'histoires comme il le disait souvent. Ne pas se faire remarquer et surtout que personne ne se plaigne de nous étaient les principaux points de notre ligne de conduite.

 

Notre père referma la porte et se retourna vers nous, les larmes aux yeux. Des larmes de colère... La porte se refermait sur nous, plus personne ne pouvait nous sauver à présent. La maison, notre maison qui était censée être l'endroit le plus sécurisant au monde allait devenir le lieu le plus dangereux de la planète !

 

Ce géant de 1m90, au regard noir nous attrapa par les cheveux et nous fit dévaler les escaliers menant au garage. J' étais tellement terrorisée que je ne sentais même pas mes genoux s'écorcher contre le sol cimenté. Nous avions l'air de deux poupées de chiffon dans ses poignes d'acier. Ma mère hurlait et essayait de le raisonner. Rien à faire, rien ne pouvait l'arrêter tellement il était dans une colère noire ! Il la repoussa, elle vacilla et se retrouva à terre. Il la menaça, elle se mit à pleurer craignant le pire et assista, impuissante à la scène de torture.

 

Nous nous retrouvâmes dans la cave où il entreprit de nous ligoter les mains avec un câble électrique et de nous suspendre comme des jambons, au tuyau du plafond. Les coups pleuvaient de toute part. Mais le plus terrible,à cause de mes mains entravées, c'est que je ne pouvais pas protéger mon visage. Je souffrais le martyre et les larmes qui coulaient brûlaient mes joues. Il répétait pour la énième fois la même question : qu 'avez-vous fait de l'argent ? C'est vrai qu' à cet époque, 50 francs représentait une certaine somme quand même ! C'était l'époque où on pouvait acheter des bonbons pour 5centimes soit 1000 bonbons ! Nous avions beau nié mais papa ne nous croyait pas. Nous l'implorions, rien n 'y faisait, au contraire, les coups pleuvaient de plus belle. Pas un seul centimètre carré de mon corps ne fut épargné. J'avais mal, trop mal ! Essoufflé, il s'arrêta et reposa la question. Mon corps endolori ne pouvait plus supporter d'autres coups. Ma sœur non plus d'ailleurs. Mon seul répit, c'était quand il frappait Lisa. Mais l'entendre pleurer, crier et se faire cogner m'étaient devenus insupportables. J'osai un regard vers elle et m'aperçus avec horreur que sa jolie robe blanche était tâchée de sang. Son visage était bouffi, tuméfié et son nez saignait.

 

« On a acheté des bonbons !criai-je ». Ses mots sortirent tout seuls de ma bouche. Comment avouer un truc qu'on n'avait pas fait ! Tout simplement sous la torture, pour que ça s'arrête enfin! Mentir était devenu la seule échappatoire. Comme de bien entendu, je dus préciser le nom de la boulangerie, à sa demande.

 

Il tourna les talons et remonta les escaliers. J'entendis des discussions étouffées et une porte claquer.

 

Lisa me reprocha d'avoir menti. D'une voix entrecoupée de sanglots, je la blâmai de ne pas m'avoir écoutée sur le choix du chemin. Si nous étions passées par les remparts, comme je l'avais suggéré, le garagiste ne nous aurait pas vues et nous n'en serions pas là ! C'était peut-être ce qu'avait fait le vrai voleur !

 

Mes bras s'ankylosaient sous l'effet de la tension, j'aurais aimé essuyer mon visage qui me picotait. Mes jambes tremblaient et la douleur s'amplifiait. L'attente de venait interminable. Je redoutais le retour de mon père.

 

Tout à coup, je perçus à nouveau son pas lourd et précipité dans les escaliers. Une masse sombre apparut dans l'encadrement de le porte. D'une voix tonitruante, il nous expliqua qu'il était allé vérifié ma version des faits, chez le boulanger.

 

Je blêmis et je compris que les supplices allaient reprendre de plus belle !

 

Les coups redoublaient de violence. Je hurlais de douleur quand ma sœur inventa cette histoire d'achat de glace. Rebelote, après vérification, il s'avérait que c'était encore un mensonge.

 

Double peine, en plus d'être des voleuses, nous étions des menteuses. A chaque entracte, nous nous efforcions de trouver un truc crédible. Ses retours étaient ponctués de volées de bois vert !

 

Au final, ma sœur trouva l'ingénieuse idée : elle avait perdu le billet.

 

Mon père épuisé par tant d'acharnement, remonta à l'étage non sans avoir promis de revenir. Elle essaya de lui faire admettre que, si ses filles ne parlaient pas après tout ce qu'il nous avait infligé, c'est que peut-être nous étions innocentes. Elle alla jusqu'à menacer de le quitter avant qu'il n'aille trop loin. Elle argumenta en lui rappelant son passé de prisonnier de guerre, lorsqu'il avait été torturé à la gégène.

 

La nuit tombait, je ne distinguais plus ma sœur dans la pénombre, je ne percevais que ses gémissements et reniflements. La peur au ventre, j'attendais la suite des événements.

 

C'est ma mère qui vint nous détacher. Elle nous accabla plus qu'elle nous réconfortait. Après un passage au gant de toilette humidifié, elle nous envoya au lit.

 

Ma nuit a été plus qu'agitée. Au réveil, je crus avoir été victime d'un mauvais cauchemar. Je fus vite rattrapée par la réalité. J'entendis à nouveau des cris stridents sortir du garage. Ma mère était partie chercher du pain. Je m'empressais de m'approcher de la porte. C'était Lisa ! Je n'osais imaginer son calvaire. Après ce serait mon tour ! Toute tremblante, je me risquai sur le seuil de la maison, cherchant ma mère du regard. Je l'aperçus au loin. Elle aussi, entendit les cris de ma sœur. Elle se mit à courir. Elle me bouscula au passage et dévala les marches du garage. Elle remonta avec Lisa. Moi, je me réfugiai dans ma chambre. Après les cris, les pleurs et les allées et venues de ma mère : le silence. Quelques instants plus tard, le klaxon d'une voiture se fit entendre.

 

Ma mère était partie avec ma sœur en taxi, me laissant seule avec mon père...

Partager cet article
Repost0

commentaires

C
<br /> Bonjour, je viens de lire! Texte très émouvant et poignant !<br />
Répondre

Présentation

  • : Le blog de unjour-unehistoire-vraie
  • : Toutes les mamans, sans exception, méritent-elles vraiment qu'on leur souhaite une bonne fête ? Alors laissez-moi vous présenter la mienne et peut-être qu'après, vous changerez d'avis...J'ai toujours rêvé d'écrire un journal. Adolescente, je manquais cruellement d'intimité. Mes affaires étaient fouillées ! A présent, je suis libre d'étaler ma vie passée, sans censure !
  • Contact

Recherche

Liens